La fois où je n’ai pas eu le contrôle…

J’avais 27 ans et j’étais sur le point de vivre le plus beau jour de ma vie. Un petit ange se trouvait, au chaud, dans mon ventre depuis 38 belles semaines et il avait décidé que cette belle journée d’été serait le jour de notre rencontre. C’était officiel ! Ma fille allait bientôt se pointer le bout du nez.

Crédit photo :  Kim Lefrançois-Racicot


Crédit photo :  Kim Lefrançois-Racicot

Papa était nerveux. Moi aussi. L’inconnu me rendait anxieuse. Un premier enfant, c’est tellement immense comme évènement ! J’avais prévu un plan de naissance. En fait, tout était dans ma tête et papa savait ce que je voulais. Nous l’avions préparé ensemble. Comme si je pouvais prévoir, à la minute près, tout ce qui allait se produire. Je voulais avoir le contrôle sur cette journée…

Mais, cette journée-là, rien ne fut comme nous l’avions imaginé. Ah, mon petit ange, je désirais tellement que ce premier contact avec toi soit féérique !

Dès les premières contractions, je me suis mise à trembloter. J’avais froid. Les infirmières accouraient vers moi avec de longues couvertures qui me semblaient aussi chaudes que ces petites roches qu’on retrouve dans un sauna. Et pourtant, je tremblais encore et encore… La fièvre se mit de la partie et les vomissements également. Je vivais un vrai cauchemar pendant que tu travaillais si fort pour ta sortie. Mais tu étais là, et c’était la priorité. J’avais crevé mes eaux la veille, et malgré tous ces désagréments, il devenait de plus en plus urgent que tu sortes…

Mais tu ne sortais pas. Petit ange, tu étais coincé. Pendant que j’étais souffrante, en plein choc sceptique, j’apprenais que mon petit bébé vivrait une naissance difficile reliée à la dystocie des épaules. Nous étions les grandes gagnantes de « la loterie du hasard » qui venait de me faire perdre les chances d’avoir l’accouchement que j’avais tant souhaité. De peine et de misère, après avoir tant pleuré et avec l’aide de deux gynécologues-obstétriciens et de quatre infirmières pour faire les nombreuses manœuvres, tu es sortie. Bleue. Avec autour du cou : deux tours de colliers. Une magnifique fille, de 9 lb et 4 oz qui, dès la naissance, n’a pas pleuré. Qui n’a pas été mise sur mon ventre comme j’avais bel et bien écrit sur mon plan de naissance imaginaire. S’en est suivi pépin par-dessus pépin. On m’annonce que je ne pourrai pas te prendre. Tu es malade. Tes poumons sont affectés et tu as une septicémie d’origine maternelle. L’unité volante d’un hôpital spécialisé vient te chercher rapidement pour t’amener avec eux. Six jours ont passé avant que je puisse te voir. La peine, la colère, le questionnement et les inquiétudes sont le seul bagage que j’ai. Papa fait la route chaque jour pour être auprès de toi qui te trouves si loin. Il me ramène photos et nouvelles. En silence, chaque soir, j’ai pleuré. Mettant la faute sur moi, sur ce que je n’avais pas fait de bien pour mener cette naissance comme il se devait.

À l’hôpital, où tu as passé ton premier mois de vie, nous avons passé par une gamme d’émotions inimaginables. La peur… la peur de te perdre. La peur de l’avenir. La peur de devoir affronter le pire. Lorsque je t’ai vu sur ce petit lit expérimental qui avait pour but de refroidir ton petit corps pour limiter les dégâts de ton anoxie, j’ai craqué. Je me responsabilisais parce que c’était si facile de le faire. Le mercredi suivant on nous annonça que tu devais passer une IRM (imagerie par résonance magnétique) parce que, contre toute attente, nous devions nous attendre au pire. La possibilité de paralysie cérébrale était bel et bien présente.

Ce soir-là, papa et moi avons prié. J’ai prié mon père qui, j’espérais, m’enverrait, de son nuage, la force dont j’avais besoin. J’avais besoin d’une dose de courage pour accepter l’attente et, m’imaginant le pire, j’avais besoin de réconfort pour passer aux travers.

Puis, un jour, vint le soleil. Qui s’était caché tout ce temps derrière les nuages de ma vie. Deux semaines après ta naissance, on m’a permis de te prendre. Là, j’ai su que tout irait bien. Une révélation. On rencontra un peu plus tard, les néonatalogistes qui ont qualifié tout cet évènement par le mot miracle. Un miracle puisque… comment se fait-il qu’un petit bébé dont l’Apgar était de 0 (mort imminente) et qui ne respirait donc pas à la naissance à cause d’une anoxie cérébrale puisse s’en sortir avec aucune séquelle ?
Je ne sais pas. Mais nous étions submergés par la joie que le IRM soit parfait.

À l’anniversaire de papa, nous avons su que nous pouvions enfin te ramener à la maison. C’est enfin là que notre vraie aventure familiale pouvait débuter. Loin des fils et des tubes, loin du bruit des machines. C’est là que je pouvais enfin abandonner toutes ces mauvaises émotions pour m’occuper de toi.

Je n’ai malheureusement pas pu avoir le contrôle sur la naissance que je rêvais. Par contre, rien ne m’empêchait d’avoir la maternité que j’idéalisais depuis le tout début…
Avec, en prime, le plus beau des miracles dans mes bras.

Article rédigé par Kim Lefrançois-Racicot




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