Mon histoire de post-partum
Je vais vous raconter mon histoire de post-partum, celui dont on ne parle pas, parce que c’est « honteux », c’est « anormal »... mais, pourtant, ça existe : accoucher et ne pas aimer son enfant.
Moi, j’ai toujours su que j’aurais au moins 2 enfants, et que ceux-ci seraient rapprochés en âge, ayant vécu ce scénario avec ma sœur (15 mois de différence), pour moi, c’était l’idéal. Ainsi, après avoir accouché de mon premier fils et laissé le temps à mon corps de récupérer, nous avons tenté le coup, et paf! Je suis tombée enceinte de mon deuxième garçon, alors que son frère avait tout juste un an. Une grossesse sans problème, heureuse, désirée… Fiston devait naître autour du 15 août, il a finalement été « sorti de force » le 30. Il était tellement attendu ! Le travail s’est très bien déroulé, sans heurts, et l’accouchement s’est fait de façon naturelle, sans problème et sans aide externe, malgré un gros bébé de 11,2 lb ! Le scénario idéal, quoi !
Pourtant, quelque chose clochait.
Une fois le bébé sorti, je n’avais pas envie de le prendre. Je n’avais pas envie de le voir. J’avais juste envie de rentrer chez moi m’occuper de mon grand garçon.
Les heures passant, les choses ne se sont malheureusement pas améliorées. Oh ! Évidemment, rien ne paraissait en surface ! Je lui donnais son biberon (pas question de l’allaiter !), je changeais sa couche, mais je ne le prenais pas dans mes bras comme font les autres mères... En fait, on m’aurait dit que ce n’était pas mon bébé que ça ne m’aurait pas fait un pli ! Prenez-le ! Pourtant, je me disais que ça n’avait aucun sens, c’était mon enfant, je devais l’aimer, en prendre soin... ce que je faisais. En automate...
De retour à la maison, même chose. Heureusement que papa était là ! Plus les jours passaient, plus je me disais que j’étais anormale. Je m’occupais de lui comme un inconnu s’occuperait d’un enfant qui n’est pas à lui : les soins de base pour qu’il soit en santé et en sécurité, mais pas d’amour. J’ai en ma possession une photo de moi et mon fils qui a été prise quelques semaines après sa naissance, chaque fois que je la regarde, j’éprouve un malaise. Il me regarde, je souris, mais je sais qu’à ce moment-là, je ne l’aimais pas.
Ces choses-là, quand ça nous arrive, on n’en parle pas. Je n’ai pas été capable d’en parler à ce moment-là, parce que j’avais honte ! J’ai fini par en faire une maladie, j’en ai perdu l’appétit, le goût de vivre, je ne mangeais plus, je ne m’habillais plus (à quoi bon ? Je suis coincée à la maison avec deux bébés, dont un qui n’est « pas à moi »), bref, Ze post-partum.
Et ce post-partum-là, il a tendance à s’étirer dans le temps, vous savez ! L’amour a été long à venir envers mon fils. Très long. Après quelques mois, il a fait de la fièvre, et j’ai eu très peur... j’ai compris que je tenais à lui. Puis, à 1 an, il est entré à la garderie, et nous avons découvert que quelque chose clochait chez lui. Autisme ? Retard mental ? Trop jeune, personne ne pouvait nous répondre. J’ai arrêté de l’aimer de nouveau. Ouaip.
Aujourd’hui, mon fils a 8 ans, et, maintenant, je peux affirmer que je l’aime, d’un amour sincère, profond, et au-delà des mots, malgré sa dys-fférence. Quand est-ce que ça s’est produit, je ne saurais vous le dire... Mon post-partum s’est étiré sur plusieurs années, se transformant en dépression en cours de route, avant de tranquillement s’estomper à la suite d’aide externe, à du soutien de mon réseau, et (oui !) à de la médication.
Je ne suis pas la seule à avoir vécu ce genre de situation, et j’aurais aimé à cette époque savoir que d’autres femmes avaient vécu la même chose, à qui j’aurais pu parler, qui m’auraient rassurée. La route vers l’amour aurait peut-être été moins longue !
Article rédigé par Annie Goudreau