Sept ans...
Sept ans. Comme si nous avions cassé un miroir nous prédisant les sept ans de « malheur » à venir. Je mets malheur entre guillemets parce que ce-dit malheur n'a rapport qu'avec l'enfant qui ne vient pas. Même si au fil des années, d'autres petits malheurs ont traversé nos vies.
Il y a un peu plus de sept ans, nous avons décidé de commencer à fonder notre famille. Nous avions 23 ans, étions en couple depuis 3 ans et nous allions bientôt avoir notre maison. Il y avait déjà des enfants dans notre famille, et nous souhaitions leur faire des cousins et cousines pour qu’ils puissent jouer ensemble.
Sept ans. Des cycles réguliers de 28 à 30 jours. Donc autant de déceptions que de mois dans une année. Des hauts et des bas sans cesse, d'un mois à l'autre. Est venu le moment de consulter après un an et demi d'essais environ. Le premier verdict tombe : problème de mobilité et de survie des spermatozoïdes. Catastrophe. Je me sentais démolie, je me disais : « Alors, il y a vraiment quelque chose »... Mon chum était immensément déçu qu'il y ait un problème. Au fil de visites chez des urologues, l'espoir est revenu, puisqu'ils semblaient sûrs que cela pourrait finir par fonctionner quand même. On nous envoie à la clinique de fertilité pour tenter notre chance avec des inséminations artificielles. Nous attendons. Nous ne sommes pas prêts.
De mon côté, j'ai fait une radio des trompes de Fallope et de l’utérus (hystérosalpingographie), tout était normal. Quelques mois plus tard, j'ai passé une laparoscopie où on m'a découvert un peu d'endométriose, stade 1, qui a été brûlé pendant l'intervention.
Ma gynécologue me fait prendre du clomid pour aider l'ovulation, j'ai fait des courbes de température, fait des tests d'ovulation... Je cible très bien mon ovulation avec tout ça et, en prime, je comprends que j'ai des douleurs ovulatoires pile au moment où j'ovule.
L'arrivée de la gratuité de la procréation assistée nous a convaincus de reprendre rendez-vous avec la clinique de fertilité. On nous propose les inséminations, on peut commencer quand on le souhaite. À l'été 2011, nous avons fait quatre inséminations artificielles. Toutes se sont révélées négatives.
Avec tous les échecs qui s'accumulent, l'espoir devient rapidement désespoir. Personnellement, lorsque je suis autour de mes règles, je ne vais vraiment pas bien. Il faut éviter le sujet avec moi, sinon j'éclate et je deviens très déprimée. Car à chaque cycle je garde espoir malgré tout, alors je tombe lorsque mes règles se pointent.
Avec notre entourage, ça a été un peu difficile... On a perdu des amis, qui se sont éloignés, peut-être par notre faute, peut-être par la leur... Nous qui n'arrivons pas à vivre avec le fait qu'ils ont des enfants ? Ou eux qui ne savent pas comment agir avec nous ? Notre famille... Il est arrivé plusieurs petits événements où il y avait un manque de délicatesse, d'incompréhension... Je ne comprends pas comment ils ne peuvent pas saisir comment je peux me sentir après sept ans d'essais. Ce n'est pas un caprice ! Sept ans ! Sept ans, c'est long ! Au début, je préférais me terrer dans mon coin et ne rien dire. Plus maintenant. J'ai mis les choses au clair avec eux, je n'allais pas me détruire émotionnellement parce qu'ils ne me comprennent pas. Ils disent qu'ils ressentent un malaise, qu'ils ne savent pas comment réagir, qu'ils « oublient ». Ils n'osent pas nous en parler. Je leur ai dit que j'aimais encore mieux qu'on me pose des questions plutôt que de vivre des situations où le malaise prime. Que si je n'ai pas envie d'en parler, je vais le dire et je n'en voudrai pas à personne.
J'ai eu à faire face à plusieurs annonces de grossesses dans mon entourage et, je l'avoue, je les ai mal prises à chaque fois. Ça ramène automatiquement à notre propre échec. Mais pourquoi dont nous on n'y a pas droit ? Pourquoi c'est si compliqué ? Se sentir oubliés par la cigogne, alors que d'autres la voient passer jusqu'à 3 fois pendant nos essais, c'est difficile à avaler. Encore là, je faisais parfois face à un : « tu ne devrais pas réagir ainsi ».
Je pense que parce qu'ils me voient pleurer chaque fois que l'on aborde ce sujet, certaines personnes pensent que je suis déprimée tous les jours, que je ne vais pas bien du tout. Ce n'est pas le cas.
L'incompréhension, le manque d'information et le manque d'empathie m'ont donné l'idée de faire un site web sur le sujet. Je suis graphiste et designer web. Il me fallait juste trouver le temps pour monter le site que j'avais en tête. Cela m'a pris plusieurs mois de temps libres, et je l'ai finalement lancé le 1er mars 2013 : www.emotionsinvitro.com. En plus du site web, j'ai des comptes Facebook et Twitter où j'y suis très active. Il faut en parler, le plus possible. Dénouer les tabous. Défaire les clichés et les jugements. Certaines personnes ne font pas la différence entre une insémination et une fécondation in vitro alors qu'ils se permettent de donner des commentaires gratuits et blessants ! Depuis la gratuité, plusieurs articles de journaux ont été publiés et, sur les versions web, on peut lire des commentaires très, très désagréables. Pas que j'en veuille aux personnes qui sont contre la gratuité, sauf qu'il y a moyen d'exprimer son opinion et ses convictions sans écorcher les infertiles comme certaines personnes le font...
Mes nièces grandissent et commencent à se poser des questions. « Pourquoi vous n’avez pas de bébé ? » J'ai eu à expliquer que parfois même les choses que l'on souhaite très très fort prennent beaucoup de temps à arriver. L’une d’elles m'est arrivée avec un dessin en me disant : « C'est votre bébé ». Les larmes me sont montées aux yeux.
En février 2013, nous avons commencé notre première fécondation in vitro. Un beau 1 800 $ de médicaments remboursés à 80 % par nos assurances privées. Sans compter les déplacements à la clinique (à 1h30 de la maison). Ma première FIV s'est tout de même bien déroulée. Pas tellement d'effets secondaires avec les médicaments. Le prélèvement d'ovules s'est super bien passé. Bien que désagréable, je n'ai pas eu de douleurs insupportables. Malheureusement, malgré les quinze follicules ponctionnés, seulement six ovules étaient matures et cinq ont été injectés d'un spermatozoïde (nous devions faire la FIV ICSI par micro-injection à cause du test de survie des spermatozoïdes). Quelques jours après la ponction, l'appel qui fait très mal : aucun embryon. En fait, aucun ovule n'a été fécondé.
Ce matin-là, en quelques heures, je suis passée par plusieurs étapes du « deuil », le choc, la colère, la tristesse et la résignation. Parfois dans des ordres mélangés, parfois toutes en même temps. J'ai pleuré pendant des heures... Ce n'est que vers l'heure du dîner que j'ai commencé à me faire une raison. Je n'en revenais pas d'avoir fait tout ça pour rien, j'étais en colère qu'on ne m'ait pas appelée avant pour me dire que rien n'avait fécondé. J'étais triste de réaliser que je n'allais pas avoir la chance de couver un petit embryon pendant 2 semaines et pouvoir espérer un positif. Cette fin de cycle là a été l'enfer. Un 2 semaines à attendre mes règles en n’ayant aucun espoir. Cruel. Ce même matin, j'apprenais que mon rendez-vous de suivi avec mon docteur à la clinique de fertilité n'allait être que 2 mois et demi plus tard. Horrible. Attendre tout ce temps pour savoir ce qui s'est passé et ce qu'il sera possible de faire ? Non, non, non...
La bonne nouvelle, c'est que comme il n'y a pas eu de transfert d'embryon dans mon ventre, nous ne perdons aucun essai payé par le gouvernement.
Finalement, quelques semaines plus tard, j'ai reçu un appel pour m'offrir un rendez-vous un mois avant la date prévue. En gros, le docteur a dit qu'il aurait peut-être fallu être plus patients avant de déclencher mon ovulation dans le but de faire la ponction. Attendre que mes follicules soient un peu plus gros, que cela me donnerait peut-être plus de chances d'en avoir davantage de matures. Au lieu d'un protocole long, on va faire un court, mais avec presque les mêmes médicaments et aux mêmes doses. Point négatif, il a soulevé l'hypothèse que nous avions peut-être un problème de génétique, soit avec mes ovules, soit avec les spermatozoïdes, que ça expliquerait pourquoi les ovules n'ont pas fécondé et pourquoi ça ne fonctionne pas depuis sept ans au naturel. Il m'a même parlé d'un donneur de sperme... que cela pourrait être à envisager si nous scorons encore un beau zéro.
Dans cette éventualité, et sous les conseils que j'ai reçus, je songe peut-être changer de clinique et voir si une autre pousserait davantage les examens pour trouver ce qui cloche et non proposer la solution facile.
L'infertilité, c'est beaucoup de peut-être. Il n'y a jamais de garantie. On fait des hypothèses, des essais et des erreurs.
Lors de la FIV, nous avons signé les formulaires de consentements pour que les ovules inutilisables, qui n'ont pas été fécondés, les embryons qui ne se sont pas assez développés, pour qu'ils puissent s'en servir pour leurs recherches. En espérant que les peut-être disparaissent ou diminuent à tout le moins.
En ce moment, j'ai la date de notre prochain essai qui sera à la fin juin. J'ai hâte et je suis stressée à la fois. Hâte parce que j'ai espoir que ça fonctionne enfin. Stressée, parce que j'ai peur qu'on en arrive au même résultat et j'ai peur d'avoir beaucoup de mal à le gérer. J'essaie de mettre de côté ce stress et de miser sur l'espoir...
J'ouvre une parenthèse pour terminer. Oui, notre désir d'être parents est fort. Oui, nous souhaitons un enfant de nos gênes. Mais si rien ne fonctionne, si au bout de nos essais de fécondation in vitro, nous restons dans l'impasse... Nous songeons à l'adoption internationale (pas au Québec, c'est beaucoup trop compliqué !). Cette porte est entre-ouverte...
Marie