Vendredi matin

Vendredi matin, 8 h 30, je suis assise à mon bureau. Je suis venue ici pour travailler et, pourtant, j’ai toutes les difficultés du monde à trouver ma concentration, ma motivation. 

Mon grand est à la maison avec sa mamie. Enfin, je dis mon grand, mais il n’a que trois ans et demi ! Il est encore à la garderie et la maternelle est une réalité qui nous semble encore loin même si nous savons pertinemment que le temps vole à une vitesse folle ! Je l’appelle ainsi parce que j’ai aussi une « petite ». Petite dans tous les sens du terme parce qu’à deux ans, elle pèse à peine 23 livres ! Toute petite, toute mignonne, toute délicate !

Bon, mise en contexte faite, je reprends ! Mon grand est à la maison avec mamie. Situation typique d’un mois de novembre gris; fièvre, mal de gorge, nez qui coule, grosse toux. Il est bien gentil mon grand; il dort très bien la nuit malgré tout ça. Papa et maman sont donc physiquement reposés. Assurément, on peut faire mieux, je suis loin d’être fraîche et dispose comme je pouvais l’être à 20 ans, alors que mon souci le plus profond était de savoir lequel du chandail mauve ou bleu je porterais au 5 à 7. Mais on se considère tout de même comme chanceux ! 

Donc, reposée, assise devant mon ordinateur, la journée devant moi, je devrais être heureuse d’être la chanceuse fille d’une mamie retraitée et impliquée qui dit « merci » lorsque je lui demande de rester avec fiston malade.

Oui et non.

Je me sens coupable.

Témoignage

Coupable, parce que je suis au bureau, et que mon fils est malade à la maison. Coupable d’être cette mère qui laisse son fils à sa mamie alors que, il me semble, c’est le rôle de la mère ou du père d’être ces bras réconfortants qui soulagent les bobos. Coupable parce que la semaine dernière, j’ai manqué deux jours complets de travail pour ma petite qui a fait une pneumonie et une amygdalite. Coupable de ne pas être capable de donner la même chose à mon fils cette semaine. Coupable parce que j’ai moi-même été malade la semaine précédente et que j’ai dû prendre une journée pour moi. Coupable de prendre autant de congés de maladie, et ce, même si chaque fois que j’en prends un, je sens que c’est la bonne chose à faire. Coupable d’être cette femme qui voulait des enfants ET une carrière alors que, force est d’admettre, ce n’est pas si évident de concilier les deux alors que nos rejetons sont tout petits. Coupable d’avoir l’impression de prioriser mon emploi sur mes enfants. Coupable de ressentir que la seule raison valable qui fasse en sorte que je sois assise, aujourd’hui, devant mon ordinateur au bureau est que je veuille paraître en parfaite maîtrise de la situation aux yeux de ma patronne sans enfant. Coupable parce que le blâme n’est pas à jeter sur elle, mais sur moi, parce qu’au fond, elle ne pourrait quand même pas me montrer la porte parce que je prends un congé de maladie pour être auprès de mon fils.

C’est moi où… la conciliation travail-famille, on est loin d’avoir fait le tour de la question ? Être maman tout en voulant faire sa place dans le monde du travail, toujours plus dur et compétitif, est-ce possible ? Et cette réalité, est-ce qu’elle implique systématiquement la naissance de ce sentiment si désagréable qu’est la culpabilité ?  

Article rédigé par Julie Bernard



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