« Maman, ze veux téter ! »
Depuis quelques années, nous parlons de plus en plus des mères qui allaitent leur enfant longtemps. Regard sur ce phénomène encore tabou.
Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Société canadienne de pédiatrie recommandent l’allaitement exclusif jusqu’à l’âge de six mois. Avec l’introduction des aliments solides, la recommandation est de continuer jusqu’à 2 ans et plus. Pourtant, seulement 12,7 %[1] des mères ayant amorcé l’allaitement l’ont continué durant un an. Pour la plupart d’entre elles, c’est le retour au travail qui y a mis un terme.
Puisque la plupart des mères le font discrètement, on ne trouve aucune statistique pour les enfants de plus d’un an allaités au Québec. Cependant, les groupes d’entraide à l’allaitement sont formels : ça existe et on en parle de plus en plus.
Raphaël a été allaité durant 2 ans et 9 mois. Comme la plupart des mères rencontrées, Catherine nous explique que ni elle ni son fils ne trouvaient de raison d’arrêter. « Ça s’est fait tout seul, tout naturellement. »
Geneviève Coulombe, chargée de projets pour Nourri-Source Montréal : « Les enfants qu’on laisse se sevrer seul le font généralement vers l’âge de 3 ou 4 ans. Pour certains, c’est plus tard. » C’est une tétée de réconfort, plus émotive que nutritive.
Dans la majorité des cultures, allaiter des enfants est naturel. En Mongolie, par exemple, les enfants sont allaités jusqu’à l’âge de 8 ou 9 ans. Si la mère est absente, ce sera la grand-mère ou même le grand-père qui prendra la relève. Bien entendu, il n’y a pas de lait. C’est pour la sécurité émotive. D’après eux, l’allaitement fera du garçon un homme fort et viril.
Au Québec, le tabou persiste. « Il faut être forte, nous dit madame Coulombe, pour persister. » La pression sociale y est pour beaucoup. Les mères commencent à se faire demander la date d’arrêt de l’allaitement dès les six mois du bébé. « Les gens pensent, selon madame Coulombe, que le passage au biberon est obligatoire. Un morceau de plastique ne dérange pas, le sein, oui. »
La société détermine-t-elle un âge pour la fin de l’allaitement ? Le malaise s’intensifie lorsque la mère retourne au travail. « Et quand l’enfant parle, plus personne ne comprend », ajoute madame Coulombe.
Si l’enfant et la mère sont consentants et que la relation est saine, aucun effet nocif n’est démontré. Au contraire, le Réseau québécois de la santé pour les femmes soutient que l’allaitement prolongé pourrait aider à la prévention du cancer du sein. Cependant, les mères sont montrées du doigt.
Sain ou malsain, le sein ?
Article rédigé par Catherine Lemire
Rédactrice-pigiste www.catherinelemire.com