Trentenaire en quête d’amour paternel
Ça fait trois semaines qu’on ne s’est pas parlé. 21 jours. C’est long 21 jours. Pas parce qu’on est fâchés ni rien, juste parce que tu es trop occupé pour m’appeler. Pourquoi moi, je ne t’appelle pas? Parce que je me suis mise au défi de tenir le coup. De tenir le coup pour voir combien de temps ça te prendrait pour faire sonner mon téléphone si je ne prenais pas les devants. Je sais bien que tu as des nouvelles de moi par la bande… La magie des réseaux sociaux fait en sorte que puisque ta femme peut « liker » mes photos Instagram et mes statuts facebook, tu sens que la job est faite. Pourtant, juste un p’tit coup de téléphone pour entendre ma voix, tu sais, juste pour savoir si je vais vraiment bien, ça pourrait faire toute la différence.
Dans un passé pas si lointain, j’aimais dire que tu étais mon roc. Celui vers qui je me tournais lorsque la vie allait trop vite. Lorsque je tombais et que j’avais du mal à me relever. Tu étais toujours la première personne que j’appelais. Ça me rassurait de te savoir là. Maintenant, mon roc s’est transformé en iceberg; froid et distant. Tu t’éloignes un peu plus chaque année. Aujourd’hui, je fais le triste constat que j’ai un père en voie d’extinction, mais aucune ressource pour stopper sa disparition.
Pourtant, enfant, nous étions une équipe. J’étais le parfait modèle de la p’tite fille à papa. Je te suivais partout. Tu m’apprenais tout sur tout. Tu étais mon idole. J’étais persuadée que mon père, le mien, c’était le plus fort. Ado, je ne t’ai même pas fait la vie dure. Tu m’encourageais dans tous mes projets. Je sentais que tu étais fier de moi et ça me remplissait de bonheur. Et puis, il y a eu la séparation. Maman et toi avez pris des chemins différents. Je le voyais venir depuis longtemps. C’était bien mieux comme ça. Ce que je n’avais pas vu venir par contre, c’est que tu te séparerais de moi aussi avec le temps. Rapidement, tu t’es remarié. Rapidement, tu as adopté ses enfants. Et rapidement, le weekend sur deux que je passais avec toi s’est transformé en un par mois, un par-ci par-là, une journée quand ça allait adonner…
Mais bon, j’ai vieilli et l’adulte que je suis ne t’en veux pas, elle comprend tes choix. Mais l’adulte que je suis a encore et toujours autant de peine. J’ai plus de rides qu’avant, mais j’ai toujours mon cœur d’enfant, tu sais… Le fait que tu ne ressentes pas le besoin de passer du temps avec moi, de m’appeler ou même de simplement m’envoyer un courriel occasionnellement, me blesse plus que ce que je ne laisse paraitre. Je suis une trentenaire en quête d’amour paternel. Quêter de l’amour, as-tu déjà fait ça papa? Mettons que ça laisse un goût amer en bouche. Même en essayant de masquer le tout derrière une chaudière de crème glacée.
J’aimerais que tu connaisses de mes enfants plus que ce que je publie sur les réseaux sociaux. J’aimerais que les photos sur lesquelles tu apparais ne soient pas seulement celles où l’on souffle des bougies d’anniversaire ou que l’on développe des cadeaux de Noël. J’aimerais te voir jouer avec mes enfants plus que 10 minutes tous les 4 mois. J’aimerais que tu nous fasses une place, une vraie place dans ta vie. Parce que de te voir sourire sur Facebook entouré d’une famille dont je ne fais partie qu’à moitié, de te voir bercer les bébés des autres et de t’entendre leur raconter des histoires, ça me fait mal. Je suis tannée de te quêter des miettes d’amour. Je ne suis pas une mouette. J’ai fini de tourner autour de toi.
Aime-moi donc un peu plus papa.
L'auteure désire rester anonyme
Une question légitime à se poser quand on vient de traverser des semaines intenses comme Véronique...