L’enfant qui se croyait invincible
Allez-vous jusqu’au bout de la consigne?
Depuis toujours, j’ai le sentiment que ma fille n’a peur de rien. Les mises en garde de base de la vie quotidienne lui font peu d’effet. Des avertissements que mon plus grand assimile et applique avec prudence dès le départ prennent un temps fou avant de faire leur chemin jusqu’à elle. Pourtant, ce n’est qu’aujourd’hui, alors que ma poulette de 5 ans et demi est passée à un cheveu de se faire frapper par un autobus scolaire, que j’ai compris : mon enfant croit qu’elle est invincible. Outch!
Pour vous mettre en contexte, au retour de l’école, en marchant jusqu’à la maison avec mes deux grands et bébé dans la poussette, je me suis arrêtée une minute pour saluer ma voisine. Pendant ce court instant, j’ai fait dos à la rue. Dos à mes enfants. Un autobus arrivait. Sur le coup, je ne m’en suis pas fait, ma marmaille est bien au courant qu’on ne doit pas traverser la rue sans regarder et encore moins si un véhicule s’approche. C’est seulement lorsque j’ai entendu une autre voisine crier « attention!! » que j’ai réalisé que ma fille allait tout de même traverser la rue. J’ai crié son nom et elle a stoppé net son erre d’aller, évitant ainsi de justesse l’irréparable. Lorsque je lui ai demandé (avec peu de douceur, j’en conviens) pourquoi elle allait traverser devant l’autobus en marche, elle m’a répondu avec toute la répartie d’une princesse caractérielle : « Qu’est-ce qui m’en empêchait? »
Sur le coup, je l’avoue, ces quelques mots m’ont beaucoup choquée. Et puis, j’ai compris. Ma fille savait qu’on ne devait pas passer devant un véhicule en marche, mais elle ne savait pas pourquoi. C’est vrai, je lui avais toujours dit de ne pas le faire, d’être prudente, mais je n’avais jamais évoqué les conséquences de ne pas respecter cette simple consigne. Ce qui semble si évident pour l’un ne l’est malheureusement pas nécessairement pour l’autre. Pour elle, si elle manifestait son intention de traverser, même à la dernière minute, l’autobus allait s’arrêter… À ses yeux, rien de grave ne pouvait lui arriver. Depuis l’incident, je ne cesse de repasser en revue dans ma tête les mille et une consignes que j’ai données à mes enfants depuis qu’ils sont petits. Ne fais pas ceci, ne fais pas cela, ne grimpe pas ici, ne touche pas à ça, etc. J’ai donc si souvent oublié l’essentiel… La raison de l’interdiction, la cause de l’avertissement. Il y a un sacré trou dans mon rôle parental! Double outch!
Aujourd’hui, j’ai appris une leçon importante. Pour mon grand qui analyse tout, les consignes sont la plupart du temps évidentes. Pour ma poulette qui vit à 100 milles à l’heure sans jamais se soucier de quoi que ce soit, ce n’est clairement pas le cas. On ne peut tenir pour acquis que nos enfants comprendront d’emblée ce que l’on essaie de leur dire. Ils ne voient pas tous les dangers. Et d’une certaine façon c’est correct ainsi. Un enfant reste un enfant. Sans leur faire peur en utilisant nos mots forts d’adultes, c’est notre responsabilité de les mettre en garde en leur expliquant le pourquoi de notre intervention. Dans ce monde où tout va vite, il est parfois souhaitable de prendre quelques minutes de plus pour s’assurer que notre enfant a compris d’un bout à l’autre notre explication. Il est primordial qu’il réalise que la vie est fragile et que nous sommes bien loin d’être invincibles.
Ma fille l’a appris ce jour-là. Clairement, un ange veillait sur nous à cet instant…
Et vous, allez-vous toujours au bout de la consigne?
Article rédigé par Véronique Désormeaux