Fière d'être ordinaire
L’ordinaire se révèle jour après jour dans ma demeure. Parfois, il me serre le cœur. Parfois, il m’expose son bonheur. Parfois, il me contraint. Parfois, il me rassure. Je me conforte dans ses routines tout en repoussant quelquefois ses limites parce que je suis l’ordinaire. Et ça me plait. Vraiment. Ça me ramène à l’essentiel, chassant les faux-semblants. Dans cette vie où la performance se tient toujours derrière les questions qui cherchent à nous définir en tant qu’individu, mais si peu en tant qu’humain. Ton nom, ton âge, ton métier, ton Q.I. Moi, je suis fièrement ordinaire; celle qui ralentit pour voir l’accident, qui observe en silence l’habillement des gens, qui parfois juge d’une situation à moitié exposée et en fait le bilan. Toute seule comme une grande. Parce que je suis la société. Parce que mon regard se pose sur les autres et mon opinion prend forme avec seulement quelques données. Les plus apparentes. La fameuse première impression. Parfois trompeuse. Superficielle. Véridique. Dépendamment de l’analyse, du moment, de l’humeur.
Ma vérité tu ne la verras peut-être pas si tu ne portes pas une attention soutenue, si tu lèves les yeux en l’air, si tu soupires, exaspéré. Ma situation tu ne la comprendras peut-être pas si tu te choques, critiques ou distribues des solutions illusoires. Je suis l’ordinaire. Et ma fille, l’extraordinaire. Pas comme dans merveilleusement merveilleux, bien qu’elle le soit, mais plutôt comme dans un ordinaire qui contient une panoplie d’extras; d’anxiété, d’incompréhension, de barrières, de besoins sensoriels, de rigidité, de séquences. Un extraordinaire qui se définit par une multitude d’actions peu communes, par une absence de phrases complètes, par un retard global d’autonomie, par une incroyable faculté de ne point porter attention à la société. Un extra qui porte un nom de plus en plus courant : autiste. Alice est la différence, l’interrogation dans les yeux, l’empathie dans les mots. Elle détonne, étonne, chantonne, cartonne. Et moi, je suis le parent derrière cette enfant, qui compose jour après jour avec cet extraordinaire. En fait, c’est d’être ordinaire qui me permet de garder les deux pieds sur terre; c’est comme un genre de pouvoir surhumain, pourquoi n’en serais-je pas fière?
Article rédigé par Annick Langlois
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