Survivre au diagnostic

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Ici, Carolyne nous raconte le moment où son fils a reçu un diagnostic de TSA (trouble du spectre de l’autisme), Asperger pour les intimes.


Crédit : Trent Erwin

Vous avez dit quoi? Êtes-vous certain? Comment un diagnostic chamboule une vie...

Au moment où j’écris ses lignes, je suis attablée dans un petit resto de quartier, après avoir survécu aux dernières semaines (travail, études, famille, etc.).

Je suis seule et pour une rare fois, je fais du ménage dans ma tête pour me remémorer la journée où j’ai su que ma vie, notre vie, ne sera plus jamais pareille. 

L’année 2011 fut chaotique pour plusieurs raisons. Alors que je retournais sur les bancs d’école (voir mon texte ici) et que j’étais fébrile, excitée, mais aussi angoissée, mon grand garçon de 10 ans vivait sa pire année scolaire (la 5e).

Il pleurait presque tous les jours en disant qu’il ne voulait plus aller à l’école (alors qu’il a toujours adoré!), il parlait de mort et disait qu’il était triste, qu’il n’était pas né à la bonne époque et les crises étaient de plus en plus présentes à la maison.

On sentait que quelque chose n’allait pas, mais quoi? Nous avions déjà consulté une psychologue quand il avait 8 ans parce qu’il verbalisait le fait qu’il voulait mourir...

Quand ton enfant te dit des choses comme ça, ce n’est pas normal et tu te dois de réagir. C’est ce que nous avons fait.

Coïncidençe ou non : lors de ma première session universitaire, dans un cours sur les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA), j’ai vu un documentaire qui allait me bouleverser comme vous ne pouvez pas savoir.

Au grand écran, des adultes parlent et expriment comment ils se sentent dans la société, comment ils arrivent, en dépit de leurs difficultés, à s’intégrer, à vivre dans notre « monde ».

Parmi ces gens, il y a une travailleuse sociale et un architecte. À la pause, je sors du local en pleurant, réalisant tout à coup que j’ai « vu » mon fils à l’écran. Il avait sensiblement les mêmes caractéristiques que les adultes présents dans le documentaire.

Mais qu’avaient donc ces adultes pour me mettre si à l’envers? Ils étaient autistes. Oui, oui, autistes. Quel choc! Mon grand avait les mêmes intérêts restreints que l’architecte : les panneaux de signalisation, les autoroutes, le nom des rues, etc. 

Il parlait comme lui : un débit un tout petit peu saccadé, peu d’expressions faciales, etc. Il n’y a rien là, me direz-vous.  Tous les enfants ne parlent pas de la même façon et tous ont des intérêts pour quelque chose en particulier.  Oui, vous avez raison. 

Mais quand cet intérêt fait partie de ta vie du matin au soir, que tu en parles presque tout le temps et que c’est, bien souvent, TON sujet de conversation, en tant que parent tu te poses des questions. Je me suis alors mise en mode réflexion, mais sans plus.

L’avenir me donnera ou non raison par la suite. Je dois toutefois avouer que cette vidéo est restée longtemps imprégnée dans ma mémoire...

Quelques mois plus tard, après des épisodes intenses de crises, de pleurs, de rencontres avec la T.E.S. de l’école (technicienne en éducation spécialisée), nous avons décidé de faire évaluer notre grand à la clinique de psychologie de l’Université de Montréal.

Après plusieurs rencontres, le verdict tombe : dépression et trouble anxieux. Peu surprise, car j’ai moi-même un diagnostic d’un trouble anxieux généralisé, je me dis que nous allons tout faire pour le soutenir. 

Puisqu’il avait des pensées suicidaires (caractère un peu urgent, disons-le), le centre nous réfère alors au CLSC, qui est la porte d’entrée pour avoir différents services.

Je rencontre une intervenante et après avoir observé mon coco et lu son dossier, elle me pose LA question : avez-vous déjà pensé à l’autisme? Bien malgré moi, je me dois de lui répondre oui.  Je lui parle alors de la vidéo visionnée quelques mois auparavant. 

Voilà, on venait de mettre le doigt dans un engrenage... Sachant que les délais pour avoir une évaluation dans les centres hospitaliers étaient excessivement longs, nous avons pris l’option d’aller au privé. Je sais, me direz-vous encore, que tous n’ont pas cette chance.

Pour nous, quitte à nous endetter encore plus (je vous rappelle que j’étais aux études à temps plein), la santé mentale de notre fils était notre priorité numéro un.

Il était malheureux et mal dans sa peau; on ne pouvait le laisser ainsi. Le diagnostic tombe quelques semaines plus tard et la neuropsychologue confirme un peu ce que nous avions à l’esprit : TSA (trouble du spectre de l’autisme), Asperger pour les intimes.

Voilà! Enfin, nous pouvions mettre des mots sur les « maux » de notre fils. Triste? Soulagée? En colère? Coupable? C’est un peu tout ca que j’ai ressenti à l’annonce du diagnostic. Soulagée d’enfin savoir ce qui n’allait pas.

Triste pour mon fils, qui devra apprendre à vivre avec cette différence toute sa vie. En colère parce que je me disais pourquoi lui? Pourquoi nous? Coupable... Ha!

Cette fameuse culpabilité qui nous ronge et qui nous porte à croire que c’est notre faute. Qu’est-ce que j’ai fait ou pas fait pour « endommager » ses cellules, ses neurones, ses neurotransmetteurs, etc.  Un vrai « melting pot » d'émotions. 

Un long cheminement commence alors. Recevoir un diagnostic, peu importe lequel, est comme un gros coup de poing en plein ventre.

On ne le voit pas venir, on ne peut l'esquiver et on doit se relever ensuite. Nous, mon mariet moi, avons décidé d’y faire face et de conjuguer nos efforts afin que notre homme en devenir puisse s’épanouir correctement. Aujourd'hui, 42 mois après L’ANNONCE, je ne ferai pas l’autruche en disant que tout va bien super bien.

Non, il y a des hauts et des bas. Il y a encore des crises qui nous chamboulent, mais au moins, mon grand de 14 ans apprend de plus en plus à se contrôler et à mieux cerner le monde qui l’entoure. Il apprend jour après jour que le monde n’est pas tout blanc ou tout noir; il y a beaucoup de gris.

Il a beaucoup progressé depuis l’annonce du diagnostic et ce, grâce à son éducatrice et les ateliers d’habiletés sociales, la T.E.S., son école, ses amis et nous, sa famille. 

Son anxiété reste présente, mais mon ado utilise de plus en plus les outils mis à sa disposition. C’est un vrai champion!

Je terminerais en disant : peu importe la maladie, le trouble physique ou mental, pour un parent, cette différence est vue un peu comme un deuil.

Crédit : Steven Roussel

C’est un grand mot pour exprimer quelque chose de fort simple. Je vais parler ici aux noms des parents d’enfants différents. Presque tous les jours, nous devons faire le deuil de quelque chose : ce qu’il ou elle ne pourra jamais faire ou comprendre.

Cela est normal et cela fait partie de la « game ». Il faut juste l’accepter et croyez-moi, c’est un processus qui peut être long. Sachez que, malgré les difficultés de mon grand, je ne l’échangerais pour rien au monde! Anecdote : hier soir, il nous a fait une crise parce que je n’avais pas eu le temps de faire du lavage.

Dans ces moments là, JE suis irresponsable, JE suis désorganisée et JE suis celle qui doit penser à tout, etc. La mère a le dos large dans ce temps-là.  Il a continué d’argumenter et de rouspéter, même lorsqu’il était seul.

À défaut de « pogner » les nerfs et d’argumenter à mon tour, j’ai regardé mon mari et je lui ai dit : s’il n’existait pas, il faudrait l’inventer :-). Notre vie serait bien plate sans lui.

Je t’aime mon grand!

P.S. Je vous invite à visionner cette vidéo. C’est le feeling que l’on peut ressentir à l’annonce du diagnostic. Bon visionnement!

Article rédigé par Carolyne Soulard
@SoulardCarolyne


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