Je vais t’aimer
Je ne sais même pas quelle heure il est. Il fait noir. Ça fait quelques heures que tu dors. Ton père est sorti ce soir, je suis seule avec vous quatre. Je me suis à peine couchée, que tu t’es réveillée, en hurlant. Je me suis levée pour aller te voir. Je t’ai parlé doucement, pris dans mes bras. J’ai essayé de t’apaiser avec des mots doux. Je t’ai offert de l’eau. Tu n’as pas voulu boire. J’ai vérifié ta couche, tout était ok de ce côté. Je t’ai flatté le dos. Je t’ai embrassé les joues. Je t’ai demandé ce qui se passait, ce qu’il y avait. Tes larmes m’ont répondu. J’ai pensé à des terreurs nocturnes, mais j’en doute; avec ton frère et tes soeurs, ce n’était pas comme ça. Eux, ils n’étaient pas tant réveillés quand ça arrivait, ils dormaient encore au début et prenaient du temps à réaliser où ils étaient et ce qui se passait. Toi, tu m’as semblé bien réveillée dès le moment où je suis arrivée dans ta chambre et que tu m’as tendu les bras…
Je ne sais pas quoi faire. J’ai fait le tour de ce qui pouvait te déranger, sans trouver comment te calmer. Toi, tu hurles encore.
Alors je me mets à chanter…
« S’il suffisait qu’on s’aime, s’il suffisait d’aimer, si l’on changeait les choses un peu, rien qu’en aimant donner »
Parce que c’est ça que je me dis. Si seulement mon amour pour toi et pour ton frère et tes soeurs pouvait être suffisant pour calmer vos peurs, apaiser vos chagrins, éloigner vos monstres, comprendre ce que vous hurlez sans savoir les mots à utiliser…
Ce soir, je ne sais pas. Je suis dépassée. Je n'arrive à rien. Ce soir, je me dis que c’est tout ce qu'il me reste à faire. Alors je change mes mots, je te fais une promesse.
« Je vais t’aimer comme on ne t’a jamais aimée. Je vais t’aimer plus loin que tes rêves l’ont imaginé, je vais t’aimer, je vais t’aimer...»
Et me voilà à te chanter cet engagement, en boucle. Ta jolie tête s’accote tranquillement sur mon épaule. Tes sanglots cessent de secouer ton petit corps. Tu t’abandonnes dans mes bras, apaisée. Tes yeux clos ont séché. Ton petit corps se relâche, enfin.
Et tu t'es rendormie.
Je sais qu’il y en aura d’autres des crises comme celle-ci. Des moments où je n’aurai pas la réponse. Des instants où toi-même, tu ne sauras pas, où tu n’auras pas les mots pour exprimer ce qui te chicote. Je sais qu’il y en aura d’autres nuits comme celle-ci où j’aurai tenté de tout essayer. Je te promets que je serai toujours là, pour écouter ta peine et t’aimer, même quand c’est tout ce qu’il me restera à faire.
Véronique nous raconte sa dernière visite à la pharmacie...