Lettre à petite moi
Je ne sais même pas par où commencer tellement j’en aurais long à te dire, petite moi. Toi, qui cherches depuis toujours le sens de la vie, en marchant jusqu’au dépanneur pour des bonbons à 5 sous ou en attendant l’autobus pour aller à l’école.
Je pourrais te donner un tas de conseils, te dire d’éviter ceci ou cela, de ne pas te tenir avec telle personne ou encore de ne pas essayer ça mais… je sais que tu ne m’écouterais probablement pas. Et c’est ce que j’aime chez toi. Tu t’écoutes. Ça a été long avant que tu t’écoutes plus toi que les autres, mais tu finis par réussir, c’est ce que je retiens de l’opération.
Je pourrais t’annoncer tout de suite que tu auras deux superbes filles – qui seront le centre de ton univers - toi qui ne sais pas si tu veux des enfants. Tu n’as jamais vraiment eu ça en toi et tu te demandes si tu as assez d’amour en toi pour le partager avec d’autres. Tu es comme ça, tu réfléchis, tu prévois, tu organises, au cas où. Pis tsé, des enfants, ça ne peut pas être des ‘’au cas où’’. Comme tu ne t’autorises pas à l’erreur, tu te dis qu’une famille, une fois fondée, c’est un peu difficile à ramener au magasin. Tu fais rarement des choses sur un coup de tête mais… tu sais quoi? Ça viendra. Et tu y prendras goût.
Tu seras ce que tu as toujours voulu être : non pas avocate, mais une bonne personne. Assez bonne pour élever deux fillettes et respecter et estimer leur père malgré la séparation. Parce que oui, même si tu pensais répéter le pattern familial de l’amour pour toujours, tu apprendras que l’amour se transforme parfois avec le temps et que de continuer de le faire migrer vers ce qu’il doit être en réalité au lieu de le forcer, ce sera ton plus bel accomplissement à vie. Parce que ce lien unique, tissé et conservé dans le respect et l’entente mutuelle, sera ce que tu peux offrir de plus beau et de plus précieux à tes enfants.
Tu seras toujours aussi travaillante. Tu ne compteras jamais tes heures pour tes patrons, ta famille, tes clients. Tu as vite compris en voyant ton papa et ta maman travailler des heures de fou qu’on n’a jamais rien sans peine. Par contre, tu réaliseras qu’il n’y a pas que ça dans la vie et tu travailleras fort pour un équilibre juste et sain. Tu trouveras donc le courage de quitter une vie de famille confortable, tout perdre et recommencer juste pour te trouver TOI. Tu te rebâtiras tranquillement mais sûrement, en déménageant peut-être trop souvent, mais ça en vaudra la peine. Tu finiras par habiter cette petite maison que tu voulais tant. Tu pourras offrir un peu de verdure et un peu de confort à tes précieuses. #MonTrio comme tu l’appelleras, aura enfin son chez-soi après 5 ans d’efforts, de consensus, de beau et de moins beau.
Tu ne pourras pas éviter la peine et les épreuves que tes filles auront à vivre. Comme toi, elles auront des épreuves à traverser et personne ne pourra vous épargner. Et c’est parfait ainsi. Comme tu t’es forgé au fil des années avec les coups durs que tu as vécus et que tu t’es même créés toi-même parfois, elles feront de même en se basant sur un pas si pire modèle finalement. Elles t’aiment et te font confiance et tu réalises que la maternité, que tu redoutais tellement, t’a finalement mise au monde réellement.
Ça te prendra parfois des années avant de comprendre certaines choses. Avant d’accepter de laisser aller des gens. Avant de panser certaines blessures et avant de t’accepter telle que tu es. Avant de trouver ce que tu veux vraiment après tant d’années à essayer de sortir d’un moule dans lequel on pensait que tu serais heureuse. Après t’être finalement écoutée.
Je peux te dire que tu arriveras à être fière de toi… par toi-même. Sans avoir besoin du regard des autres, de l’approbation d’un parent ou d’une recommandation d’un patron. Tu arriveras à avoir l’humilité de tes défaites comme la fierté de tes réussites sans le regard ni l’approbation de personne. Tu ne seras plus constamment en quête de reconnaissance et du regard d’autrui. Et ça ma belle, c’est ça la vraie liberté.
Tu seras bien seule avec toi-même et tu apprivoiseras la maladie mentale par l’intermédiaire de ta fille aînée. Ces 10 longues années de questionnements et ces mois de consultation, de diagnostic, de défis, d’efforts et de réussite te feront comprendre bien des choses. Bien des choses. Que tes maux n’étaient pas physiques mais psychologiques. Que tu es normale de te sentir comme ça et de réagir plus fortement que la moyenne. Qu’aujourd’hui on arrive à mettre des mots sur des maux et qu’au moins, ça servira à ce que la chair de ta chair arrive elle-même à se comprendre et à aller mieux.
Je peux te dire que tu seras toujours beaucoup plus forte que tu ne le penses. Et que non, même quand tu seras vieille, tu n’auras toujours pas compris le sens de la vie mais tu auras compris le sens de TA vie.
Article par Cynthia Côté
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